Un an aujourd’hui

Il y a un an aujourd’hui, j’étais interpellé par un policier de la Ville de Québec. Un appel avait été logé parce que j’étais allé voir ma mère et que je n’avais pas le droit.

J’étais dehors auprès de mes arbres derrière le CHSLD, mais grisé par la liberté retrouvée après un confinement hivernal et mêlé par les consignes, je m’étais éclipsé à 1,4 kilomètres de la maison. C’est sur le chemin du retour qu’un policier de mon âge m’a interpellé et raccompagné au CHSLD. Il fallait lire la gêne sur son visage…

C’était le début d’un confinement de 3 mois, une bonne partie du temps autorisé à aller uniquement sur la galerie. Ensuite sur le terrain clôturé, finalement dans mon coin avec les arbres. Ce n’est qu’au 21 juin que j’ai pu aller chez moi.

Depuis, les règles se sont assouplies et mieux ajustées avec les zones de couleur. Je peux me balader, mais je n’ai pas le droit de me rendre à la maison. J’en suis extrêmement frustré.

Ma mère a vendu la maison des 30 dernières années. À 78 ans, elle doit s’occuper seule des préparatifs du déménagement. Physiquement je ne peux l’aider, mais je veux être présent.

Elle est autorisée à me rendre visite au CHSLD, avec tout ce que ça implique de « risques », on m’interdit d’aller chez elle alors qu’elle demeure seule.

Au jour 29 du confinement 2.0 de l’être confiné

J’ai appris aujourd’hui que je pourrai aller enfin au-delà du terrain du CHSLD et avaler des kilomètres en fauteuil motorisé. Je n’aurai pas besoin de mettre en œuvre le plan que j’avais échafaudé pour alerter l’opinion publique.

Interdiction de fréquenter des commerces et d’aller à la maison. Pas grave. Et je vais composer avec les autres irritants.

Le temps presse.

Novembre est le dernier mois sans entrave (quoique on ne sait jamais…) : la neige me confinera plus souvent qu’autrement au terrain, à mon petit coin sous les pins.

L’objectif était de m’oxygéner pour alimenter mon inspiration. Ça commençait à presser.

J’ai commencé l’écriture d’un nouveau roman. Titre trouvé, un titre que je ne dévoilerai pas.

Le premier chapitre est terminé, le deuxième est commencé. Puis j’ai mis en pause le temps d’établir un plan pour la suite.

Au jour 27 du confinement 2.0 de l’être confiné

85 journées de confinement printemps. 27 journées de semi-confinement automnal ; uniquement le droit d’aller sur le terrain du CHSLD.

Le temps presse, l’automne s’écoule. L’hiver et la neige sont synonymes de semi-confinement.

J’étouffe.

Un rappel du jour 62 du confinement printanier lorsque j’avais rencontré dans la cour du CHSLD un ami dans la même situation que moi. J’écrivais :

« Ils vont nous tuer. »

Au jour 5 du confinement 2.0 de l’être confiné

D’absence et de silence.

L’odomètre du fauteuil roulant motorisé affichait 400 kilomètres lorsque j’ai franchi la porte du CHSLD le 20 ou le 21 juin dernier.

Je me souviens de l’impression que j’ai éprouvée alors que je m’apprêtais à faire ma première et lointaine sortie depuis la fin du confinement printanier. Le doute. Le doute qu’après 85 jours de confinement ma tête puisse me conduire sur de nombreux chemins comme auparavant. Jusqu’au panorama sur le fleuve. Au parc aux grands arbres. À la maison. Où bon me semble.

Ce midi-là, il a fallu que je roule à peu près 500 mètres avant que le flottement s’envole. Le ciel m’aspirait. Un soupçon d’alcool m’engourdissait. Tout allait vite dans ma tête comme autour de moi.

J’étais néanmoins déterminé à rattraper le printemps perdu. Alors j’ai foncé dans l’été. Ma quête : la tranquillité, la solitude, ma maison, la présence de ma mère et de ma famille.

Puis c’est au bout de 800e km que l’automne a commencé et s’est brusquement arrêté. On allait m’en faire voir de toutes les couleurs.

Mardi le 29 septembre, le CHSLD est devenu rouge. Un nouveau confinement a commencé.

Interdiction de fréquenter quelque commerce ou lieu clos que ce soit. Interdiction d’aller à la maison de ma mère. Je peux rouler à l’extérieur, mais uniquement sur le terrain du CHSLD. Outre mes proches aidants, mon père et ma mère, je ne peux recevoir de visiteurs. Même sur le terrain.

On m’a volé le printemps. L’automne de force a commencé.

Journal de confinement 2.0 de l’être confiné

J’ai 48 ans, je suis paralysé du cou aux pieds et je vis dans un CHSLD de la ville de Québec depuis juin 2015. Pour en connaître davantage sur moi et mon confinement intérieur, lisez mon récit qui a été finaliste du Prix du récit Radio-Canada 2019, Un jour jusqu’à la fin de mes jours.

Vous pouvez dire sur ce blogue le journal de mon confinement printanier qui a duré. 85 jours.

En prévision de la deuxième vague de la COVID-19, le Gouvernement du Québec a émis une suite de directives à appliquer dans les CHSLD. Ainsi, des mesures seront mises en place selon les niveaux d’alerte. Parmi elles, le confinement. À différents degrés. En ce premier jour de journal, je suis confiné depuis mardi le 29 septembre

Au gré des jours et de mes envies, je tiendrai ici le journal de mon confinement.