Au jour 29 du confinement 2.0 de l’être confiné

J’ai appris aujourd’hui que je pourrai aller enfin au-delà du terrain du CHSLD et avaler des kilomètres en fauteuil motorisé. Je n’aurai pas besoin de mettre en œuvre le plan que j’avais échafaudé pour alerter l’opinion publique.

Interdiction de fréquenter des commerces et d’aller à la maison. Pas grave. Et je vais composer avec les autres irritants.

Le temps presse.

Novembre est le dernier mois sans entrave (quoique on ne sait jamais…) : la neige me confinera plus souvent qu’autrement au terrain, à mon petit coin sous les pins.

L’objectif était de m’oxygéner pour alimenter mon inspiration. Ça commençait à presser.

J’ai commencé l’écriture d’un nouveau roman. Titre trouvé, un titre que je ne dévoilerai pas.

Le premier chapitre est terminé, le deuxième est commencé. Puis j’ai mis en pause le temps d’établir un plan pour la suite.

Au jour 27 du confinement 2.0 de l’être confiné

85 journées de confinement printemps. 27 journées de semi-confinement automnal ; uniquement le droit d’aller sur le terrain du CHSLD.

Le temps presse, l’automne s’écoule. L’hiver et la neige sont synonymes de semi-confinement.

J’étouffe.

Un rappel du jour 62 du confinement printanier lorsque j’avais rencontré dans la cour du CHSLD un ami dans la même situation que moi. J’écrivais :

« Ils vont nous tuer. »

Au jour 5 du confinement 2.0 de l’être confiné

D’absence et de silence.

L’odomètre du fauteuil roulant motorisé affichait 400 kilomètres lorsque j’ai franchi la porte du CHSLD le 20 ou le 21 juin dernier.

Je me souviens de l’impression que j’ai éprouvée alors que je m’apprêtais à faire ma première et lointaine sortie depuis la fin du confinement printanier. Le doute. Le doute qu’après 85 jours de confinement ma tête puisse me conduire sur de nombreux chemins comme auparavant. Jusqu’au panorama sur le fleuve. Au parc aux grands arbres. À la maison. Où bon me semble.

Ce midi-là, il a fallu que je roule à peu près 500 mètres avant que le flottement s’envole. Le ciel m’aspirait. Un soupçon d’alcool m’engourdissait. Tout allait vite dans ma tête comme autour de moi.

J’étais néanmoins déterminé à rattraper le printemps perdu. Alors j’ai foncé dans l’été. Ma quête : la tranquillité, la solitude, ma maison, la présence de ma mère et de ma famille.

Puis c’est au bout de 800e km que l’automne a commencé et s’est brusquement arrêté. On allait m’en faire voir de toutes les couleurs.

Mardi le 29 septembre, le CHSLD est devenu rouge. Un nouveau confinement a commencé.

Interdiction de fréquenter quelque commerce ou lieu clos que ce soit. Interdiction d’aller à la maison de ma mère. Je peux rouler à l’extérieur, mais uniquement sur le terrain du CHSLD. Outre mes proches aidants, mon père et ma mère, je ne peux recevoir de visiteurs. Même sur le terrain.

On m’a volé le printemps. L’automne de force a commencé.