« J’étais à trois mètres de lui, dans la maison »

Mon ami Christian a accordé une entrevue à Patrick Lagacé suite au décès de son fils de 15 ans, emporté par une surdose provoquée une pilule de la mort. Ça me met à l’envers. Je partage la chronique. https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2024-01-09/j-etais-a-trois-metres-de-lui-dans-la-maison.php#

Un aîné à 42 ans

Les CHSLD sont des milieux de fin de vie. Moyenne d’âge 85 ans, durée moyenne du séjour 2 ans. Je suis en situation d’handicap physique et j’y vis depuis mes 42 ans. J’en ai 49 aujourd’hui.

La Maison des aînés proposée par la #CAQ est un CHSLD +. Rien entre ces murs me permet d’avoir des projets de vie au-delà. Il n’y a aucun service d’assistance que je pourrais choisir selon mes besoins. Exemple. Qui va m’accompagner si je désire passer un après-midi au musée ? Aller au restaurant ? Dans les magasins ? Encore : j’ai signé un contrat d’édition pour la publication de mon roman. Supposons qu’un libraire m’invite à rencontrer des lecteurs, si je me dois me rendre au Salon du livre, qui va m’accompagner ? Mes parents de 80 ans ? Jusqu’à leur mort ? Aucune alternative n’est proposée pour de l’assistance personnelle quand je veux, avec qui je veux, où je veux.

En résumé, tous partis confondus m’ont sacrifié, ont fait de moi un aîné avant l’heure.

Chambre noire

Ma mère vide la maison.

Ma chambre est évidée. Mes albums photos n’en ont plus. La tour Eiffel à la ferraille.

J’ai regardé des visages. J’en ai gardés plusieurs dont un et sa voix.

J’ai regardé mon visage. Le mien sur des jambes. Je n’en garde pas de souvenir. C’est une autre vie que la mienne.

Au jour 10 du confinement 2.0 de l’être confiné

– Est-ce que ça t’arrive de parler aux écureuils ?

Mon ami était assis sur la bordure de trottoir qui n’en est pas vraiment une, tout simplement parce qu’il n’y a pas de trottoir sous les trois pins solidaires. Il fumait un cigarillo.

J’étais à peu près à deux mètres de lui en distanciation olfactive et je ne disais rien, tout simplement parce que je l’aime bien et j’étais heureux d’être en sa compagnie.

Entre deux silences de complicité, je lui avais répondu :

– Je parle bien aux chats et aux chiens. Pourquoi pas aux écureuils et aux oiseaux.

Nous avions ensuite parlé des filles.

Je me suis souvenu de ça aujourd’hui alors que j’étais dans mon carré de sable du confinement sous les pins solidaires. J’observais les écureuils et les oiseaux, j’écoutais des mésanges, « tchikh-a-di-di », je leurs répondais « di-di-di  ». D’autres oiseaux que je ne connais pas ont atterri au sol.

Ils ont commencé à picorer au travers des aiguilles de pin rougeâtres tapissant le sol, jouant parfois du bec, grattant frénétiquement la litière automnale. De bien drôles d’oiseaux.

Il y a également de drôles d’oiseaux dont les gazouillis sur Twitter me font lever les yeux au plafond. Exemple.

On parle de quelques semaines pendant lesquelles tu modifies ton petit train-train. Comme tu es sans doute une jeune femme intelligente et débrouillarde, tu trouveras facilement une façon de compenser ailleurs.

Sinon, je t’invite à venir pousser les 150 kg de mon fauteuil motorisé plus le poids du monsieur. Tu viendras ensuite t’asseoir sur la fausse chaîne de trottoir et tu lèveras les yeux. Il y a 63 personnes derrière les fenêtres. L’autre est à côté de toi.

C’est entre autres pour cette raison qu’on te demande de faire ton temps.

Ah non. J’oubliais. Tu ne peux pas venir à ma rencontre. Outre mes proches aidants, père et mère, je n’ai pas droit de recevoir de visiteurs. Même pas dehors.

Au jour 11 du confinement de l’être confiné

J’ai commencé la journée d’hier comme d’habitude : en naviguant. J’ai découvert une initiative et un film : le film des instants. Des personnes confinées ont été invités à filmer une minute depuis une fenêtre du lieu de leur confinement.

On a branché ma webcam, on l’a placée sur le rebord de ma fenêtre. Voici une minute et des poussières de mon confinement.

Tellement

J’arrive de dehors, pis de dehors sous un pin qui se balançait.

Pendant qu’il se balançait, pis que j’étais penché dans mon fauteuil à peu près à 40° à 0 ° Celsius, j’ai pensé à Desjardins pis à ça.

Je pensais à cet été où j’ai écouté ça pis à tellement d’autres de Tu m’aimes-tu.

Tellement belle. Pis t’es.

Prix du récit Radio-Canada 2019

J’ai été l’un des cinq finalistes au Prix du récit Radio-Canada 2019. À la déception de ne pas être le lauréat, j’ai la satisfaction que mon récit intitulé Un jour jusqu’à la fin de mes jours a eu un bon écho dans les médias – et ce n’est pas terminé – et j’ai reçu de nombreux commentaires positifs.

Jamais sans mon livre

C’est l’histoire d’un vol, de négligence, d’angoisse, puis d’un dénouement heureux pour avoir retrouvé des années de travail.

Un ordinateur subtilisé, un roman envolé. Pour ma part, je sauvegarde Tant d’hivers sur une clé USB, sur un disque dur externe, j’envoie dans un courriel que j’ai créé sur Internet.

Je m’absente quelques heures, j’amène avec moi la clé USB. Quelques jours, la clé USB ainsi que le disque dur externe.