Madame Ouellet

Vendredi, je suis allé écouter les arbres dans le vent et les oiseaux dans les arbres.

De retour dans mon aile du CHSLD, je me suis arrêté légèrement en retrait de Madame Ouellet qui a été ma voisine jusqu’au jour où la chambre au bout de l’aile sans voisin en arrière comme en avant s’est libérée.

L’animatrice en loisirs à ses côtés réalisait un exercice avec elle : des lettres sont marquées sur un ballon, Madame Ouellet, 98 ans, devait donner un nom à une lettre désignée.

Je lui demande :

– Un nom commençant par la lettre F.

L’animatrice lui répète, Madame Ouellet répond « Fernand »

Elle m’aperçoit :

– Oh. Mon chum !

Et comment s’appelle-t-il votre chum Madame Ouellet ?

– François !

Madame Ouellet n’a jamais de visite.

La fille des loisirs meuble son temps et sa mémoire, les préposés s’assoient avec elle et mélangent les cartes pour une petite partie quand les acronymes de la santé leur en donnent le temps.

Pour la récompenser, je lui ai offert une petite coupe de vin au souper de samedi soir. Ce n’était pas une première. Du rouge coulera à nouveau. Ça lui met de la couleur dans le jour après jour et dans le cœur.

Un soleil de Kaboul (ou tout près)

Les miss météo avaient prévu une journée ensoleillée, 20 degrés Celsius. C’est le mois d’août en octobre.

Tu roules sur le trottoir aux abords d’un boulevard, tout à coup, y a une bestiole qui marche sur ta joue, déboule sur ton cou.

Parce que tu es paralysé, tu grimaces, tu souffles à t’époumoner en sa direction pour qu’elle s’envole. Rien à faire, elle rigole, elle a trouvé un terrain de jeux.

Tu croises un jeune homme, tu lui expliques la situation. Alors il te vient en aide, cherchant près de ton sac à dos et tout autour de toi. Tu comprends qu’il n’a pas compris.

Tu l’écoutes, il a un léger accent.

Il est afghan, arrivé au Québec il y a trois ans en compagnie de son frère. Il vient de loin, pour le moment il va à l’école voisine du Centre pour son cours de français.

Tu lui parles de son pays, des Russes, des talibans, mais surtout de son français. Tu le félicites.

À la hauteur de l’école, tu lui remets ta carte : « Si ton frère et toi désirez faire la conversation pour pratiquer votre français, y a mes coordonnées. »

Il a fait soleil aujourd’hui.