J’ai rejoint les fenêtres vers 11 heures 15.
À la première devant moi, j’ai ouvert un livre. Le logiciel a affiché la quarante-cinquième page de Rue des Boutiques obscures. Ça faisait longtemps que je remettais toujours à plus tard la lecture de l’œuvre de Patrick Modiano. Je ne crois pas que j’en lirai l’intégralité, j’ai choisi cinq romans.
Pendant le confinement, j’ai pris la résolution de lire surtout le jour. Je lis peu et lentement.
Durant la soirée d’hier et pendant la nuit il a neigé. J’ai vu souffler le vent et tomber la neige à la deuxième fenêtre. Très tôt ce matin, j’ai demandé qu’on l’ouvre.
J’ai lu à la première fenêtre en essayant de ne pas être distrait par ce qui pouvait s’y afficher et par le vent qui entrait par la deuxième fenêtre. J’ai lu jusqu’à la cinquante-cinquième page puis j’ai dîné.
J’avais à peine terminé de manger quand j’ai été aspiré par la deuxième fenêtre.
Il était à peu près midi trente quand je me suis retrouvé à nouveau stationné dans l’angle du L de la galerie, le cou entouré d’un foulard, la tête couverte d’une tuque, les mains plongées dans des mitaines, les bras paralysés attachés et placés sur les appuis-bras du fauteuil roulant, le corps recouvert d’une couverture chaude.
Il faisait à peu près 3 °C. J’ai basculé l’assise du fauteuil, j’ai joué avec les degrés, j’ai revu les journées précédentes et je me suis dit que chaque journée du confinement est la même à quelques degrés près.